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       L'utopie 
        des monnaies complementaires (suite). 
         
      Il 
        est difficile d’analyser les implications des monnaies locales, ou monnaies 
        solidaires, ou monnaie sociales, car il n’existe pas qu’un seul modèle 
        mais une multitude. Et pourquoi en existe-t-il une multitude ? Parce que 
        chacune répond à un ou quelques objectifs, mais aucune ne peut répondre 
        à « tous » les problèmes posés par l’utilisation de monnaie.  
        Ainsi, il est difficile de critiquer un point d’une certaine monnaie locale, 
        car une autre monnaie locale avec d’autres caractéristiques répond au 
        problème de la première monnaie, mais génère d’autres problèmes etc, etc. 
        c’est donc la course sans fin. Mais au final, il n’existe aucun modèle 
        sans défaut.  
       
      Parmi 
        ces différentes monnaies, il y a les monnaies adossées à la monnaie nationale 
        ou transnationale. 
       
        L’adossement par une équivalence 1 Euro = 1 unité de monnaie locale permet 
        à cette dernière de donner confiance aux utilisateurs, car la monnaie 
        locale doit avoir une valeur, sinon elle reste un bout de papier semblable 
        aux feuilles des arbres. Que devient cette monnaie si la valeur de référence 
        s’écroule ? Cette question devra-t-elle se poser uniquement lorsque ce 
        temps arrivera ?  
      L’avantage 
        de ce type de monnaie est la relocalisation. 
        En effet, elle n’a cours, elle n’est utilisable que dans un territoire 
        précis avec des personnes consentantes. On génère donc des échanges uniquement 
        locaux. Mais que peut-on payer avec ? On peut payer des biens et services 
        seulement chez les commerçants et producteurs acceptant ce moyen de paiement. 
        Cela permet parfois de choisir des commerçants uniquement bio, ou « éthique 
        ». Mais cela oblige à de nombreuses vérifications ou engagements, et la 
        logistique qui va avec. Evidemment cette monnaie n’empêche pas la corruption. 
        A noter : il existe généralement une taxe de conversion : lorsque vous 
        convertissez de l’euro à la monnaie locale, et lorsque vous basculez de 
        nouveau de la monnaie locale à l’euro. C’est un frein à la confiance en 
        cette monnaie car chaque fois que vous convertissez, vous perdez du pouvoir 
        d’achat. Seules les personnes acceptant cette perte restent motivée par 
        cette utilisation.  
      Toutefois, 
        lorsque des services d’Etat (allocations ou partie de salaire) sont payés 
        dans cette monnaie locale, et si cette monnaie n’est pas retransformable 
        pour les particuliers en monnaie nationale, cela oblige ces particuliers 
        à aller chez des commerçants (Bio par exemple) et cela peut être très 
        bénéfique au développement de ces commerçants. Mais que ce passe-t-il 
        lorsque tous les biens et services ne sont pas disponibles avec cette 
        monnaie ? Les gens reçoivent une monnaie qui ne leur sert à rien et faute 
        d’utilité elle perd de sa valeur. De même, prenons le cas d’école où cette 
        utilisation transforme toute l’économie en « bio » (on applaudit des deux 
        mains car avec une seul c’est moins pratique), il n’en restera pas moins 
        le problème du chômage, de la concurrence entre producteurs bios, etc. 
         
       
        Pourquoi un commerçant trouve un intérêt dans cette monnaie ? 
        Il en trouve dans le fait que cela lui permet de gagner des « points 
        de croissance », autrement dit, lorsqu’il accepte cette monnaie locale 
        et que le concurrent n’accepte pas encore cette monnaie, il gagne des 
        clients au détriment de ses concurrents. Mais lorsque tout le monde accepte 
        cette monnaie, cela devient une charge comptable, car il faut une « double 
        comptabilité ». Qui plus est, si cette monnaie n’est pas mise en banque, 
        c’est un outil supplémentaire pour faire du « chiffre au noir », non déclaré 
        à l’Etat.  
      Autre 
        questionnement : la relocalisation est-elle réelle ?  
        Car les biens peuvent être produit sur place (qui se plaindra de ce bon 
        outil pour économiser les transports et éviter certains gaspillages ?) 
        mais comme l’usage de la monnaie nationale est toujours existante, on 
        peut très bien se fournir à l’autre bout du monde, et vendre du made in 
        china avec une monnaie locale. Tout dépend donc du cadre et des outils 
        de vérifications, sachant que pour vérifier, il faut du personnel, et 
        que ce personnel doit être payé, qu’il faut donc une taxation spécifique 
        pour payer ces personnes, etc.  
      Quoi 
        qu’il en soit, pour tout ce qui est biens chers (type biens immobiliers), 
        la monnaie locale n’est pas une réponse car les masses monétaires présentes 
        ne sont pas suffisantes : la masse de monnaie pour payer les carottes 
        de chacun n’est pas la même que la masse de monnaie locale nécessaire 
        pour payer un appartement. Cette monnaie doit être infalsifiables et cela 
        a un coût qui nécessite une nouvelle taxation. Il est plus facile de créer 
        des billets que des pièces, et cela « arrondi » les prix généralement 
        vers le haut.  
       
        Le marché local est-il suffisant pour faire vivre le commerçant ou 
        un producteur ?  
        En général, non, et c’est pour cela que depuis le moyen âge on crée des 
        foires régionales ou extrarégionales. Quid de la monnaie utilisée si elle 
        n’est pas reconnue (utilisable) par tous les acteurs de ces foires ?  
      Les 
        monnaies locales recréent du lien dans la communauté, mais isolent la 
        communauté car le village voisin ne prendra pas cette monnaie mais aura 
        la sienne pour re-localiser son économie. Et il y aura autant de nouvelles 
        frontières qu’il y aura de nouvelles monnaies. Il faut alors recréer des 
        systèmes de conversions, alourdissant le système en bureaucratie. D’un 
        point de vue psychologique, les monnaies locales poussent au régionalisme 
        et cultivent la fierté territoriale qui ne va pas du tout dans le sens 
        : « tous sur la même planète ».  
       
        Notons également que pour financer des gros travaux, il faut beaucoup 
        de monnaie, et les monnaies locales ne peuvent répondre à ce problème 
        faute de masses suffisantes et de circuits d’échanges complets (abordant 
        tous les domaines d’activité).  
      A 
        noter : les plus pérennes des monnaies locales sont en générale adossées 
        à des banques, ou financée par des fonds européens, ou des organismes 
        d’assurance. Il n’y a donc aucune « indépendance citoyenne », contrairement 
        à certaines étiquettes.  
       
        Les monnaies fondantes :  
        Pour lutter contre la capitalisation (épargne), certaines monnaies locales 
        sont dites « fondantes », autrement dit, elles perdent de leur valeur 
        si vous ne les échangez pas rapidement contre des biens ou services. A 
        termes réguliers (exemple, tous les mois), il est posé sur le billet une 
        étiquette achetée par le propriétaire du billet, comme une taxe, pour 
        que ce billet garde sa valeur faciale. Outre la lourdeur de gestion (généralement 
        assurée par des esclaves étudiants du coin), cela pause la question de 
        la vitesse de rotation de la monnaie, autrement dit : si on ne veut pas 
        avoir à payer une taxe, il faut consommer tout de suite, même si on n’a 
        pas besoin tout de suite du bien en question. Cette façon de pousser à 
        la consommation n’est évidemment pas très « objecteur de croissance » 
        et pousse inévitablement au gaspillage. Encore une fois, ce type de monnaie 
        n’est pas fait pour « humaniser » le système mais bien pour nourrir « 
        la bête ». A noter : la monnaie fondante nuisant à l’épargne, il est très 
        difficile de pouvoir se payer un bien cher (type immobilier), ce qui favorise 
        une fois de plus ceux qui ont déjà et rend esclave un peu plus ceux qui 
        n’ont pas mais qui voudraient avoir. La monnaie reste la monnaie. 
       
        Que penser de l’argument « les monnaies sociales luttent contre le 
        monde de la finance » ?  
        Notons au passage que cet argument reprend le principe du mouton noir 
        : « si on est soumis à des problèmes, c’est de la faute « aux juifs » 
        ou « aux salauds d’étrangers » ou « à la finance internationale », etc, 
        etc, etc. »  
        L’argument qui parle de lutte contre la finance est totalement fallacieux 
        dans le sens où le monde de la finance n’a pas besoin de l’économie locale 
        pour spéculer et faire « du chiffre » : il peut vivre à crédit en écrivant 
        lui-même des lignes de crédit sur de très petites bases d’argent réel 
        (voir « l’argent dette »). Le priver d’une petite part de cette base d’argent 
        réel comparée aux milliards basés sur du vent n’a donc aucune incidence 
        sur son existence, tout (ou presque) étant devenu virtuel. Par contre, 
        cette monnaie issue du monde spéculatif parfaitement acceptée par tout 
        le monde puisque c’est la même monnaie (on ne peut différencier l’argent 
        propre de l’argent dit « sale »), agit toujours sur les prix de l’immobilier 
        et autres biens du monde réel. Les monnaies locales ne sont donc pas un 
        moyen de lutter contre le monde de la finance.  
       
        La monnaie « temps » : (accorderies et autres)  
        Objectif : échanger son temps de travail de manière triangulaire, autrement 
        dit, sans la contrainte de l’échange en contrepartie directe, en comptabilisant 
        uniquement les minutes qui passent, sans tenir compte des capacités de 
        chacun. Cela permet de réaliser des services (couture, jardinage, bricolage), 
        sans avoir à utiliser de la monnaie.  
       
        Le temps est-il une valeur juste ? 
        Tout humain est libre et égaux en droits par rapport à un autre humain, 
        mais chaque humain a des capacités spécifiques et pour un même travail, 
        certains produiront un service en 1 heure et d’autres produiront ce même 
        service en 2 heures. Quid de l’égalité ? Cela peut « pousser à la lenteur 
        » car moins on travaille vite, plus on gagne. Pourquoi pas ? Mais cela 
        ne « dégage pas du temps de cerveau disponible » pour la culture et le 
        reste si on le passe à « gagner sa vie » par la lenteur. Plus sérieusement, 
        cette « monnaie temps » rentre en concurrence à un moment ou un autre 
        avec les offres de service payantes. Qui interdit une personne ayant les 
        moyens de payer avec de la monnaie classique, de passer par la monnaie 
        temps, et donc d’économiser et de mettre au chômage la personne qui fait 
        ce même service dans le monde payant ? Sans oublier que la monnaie temps 
        n’est pas taxée et que toute monnaie non taxée ruine le service public 
        qui trouve son financement dans la taxation des transactions dans la monnaie 
        classique. 
       
        A noter : les personnes utilisant la monnaie temps sont souvent des personnes 
        âgées ou personnes « ayant du temps » car toutes les autres « n’ont pas 
        de temps à perdre » : il faut continuer de payer les choses non payables 
        avec la monnaie temps. Egalement, cette monnaie temps fonctionne essentiellement 
        pour les services et non pour les biens produits. Pourtant les biens ont 
        eu aussi une forme de traduction en temps de travail. Faudrait-il comptabiliser 
        le temps donné par la nature pour faire pousser les légumes ?  
       
        Autre conséquence générale à toute monnaie dite « sociale » : la monnaie 
        locale étant une « monnaie complémentaire », elle est une forme de sparadrap 
        au système classique obligatoire (les monnaies locales ne suppriment pas 
        les monnaies classiques), or ce sont les monnaies classiques qui dirigent 
        le monde et poussent à l’épuisement des ressources. Autrement dit, en 
        soutenant des monnaies locales (acte au premier abord tout à fait louable 
        et rempli de cœur), on prolonge la vie du système de monnaie classique 
        qui nous pousse à l’autodestruction.  
        Idiot 
        non ?  
      Et 
        on en revient à l’éternelle conclusion : pourquoi compter ? Quelqu’un 
        a besoin de vos services ? Offrez-le sans compter, c’est en cela que l’humain 
        est l’humain et non un tiroir caisse ou une calculatrice ambulante.  
        
      Il 
        faudra un jour prendre conscience  
        que la monnaie n'est pas un simple outil. 
        Le vrai visage de la monnaie, c'est aussi ça : 
        
         
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